• Christian JANIER
  • Fromager affineur
  • 2000 - XXIe concours
  • Lyon
Le sujet du concours

Données communes à l’ensemble des métiers de bouche, appelés par ailleurs métiers de l’éphémère, la classe « fromagerie » concourt en loge, et est jugée par trois jurys distincts qui ne se croisent jamais : le jury de travail (le seul à être en contact avec le candidat), le jury de dégustation (qui ne note que la qualité gustative des produits présentés), et le jury de présentation qui évalue l’esthétisme des diverses présentations dont la pièce majeure.

Le sujet comporte plusieurs épreuves qui se succèdent durant une journée de travail bien remplie :

  • réalisation d’un buffet de type « traiteur » avec calcul des marges et des coefficients de rentabilité.
  • élaboration de fiches techniques sur une trentaine de fromages imposés et présentés (historique, description, origine, fabrication, affinage).
  • dégustation à l’aveugle avec argumentaire de vente.
  • questionnaire sur la connaissance générale du métier (savoir-faire, technologie fromagère, législation, les A.O.C., connaissances organoleptiques, connaissance des terroirs, etc.).
  • préparation d’une assiette de fromages imposés (6 produits tirés au hasard parmi une liste de 30) qui est dégustée, analysée et notée par le jury de dégustation.
  • épreuve de maitrise des techniques de découpe.
  • épreuve écrite. Sujet : « Comment pensez-vous que le métier doit évoluer pour pérenniser son avenir ? »
  • élaboration de trois préparations fromagères traditionnelles et novatrices (recettes froides).
  • présentation de fromages dont une trentaine d’Appellation d’Origine Contrôlée (A.O.C.) sur structure esthétique (dimensions définies : 1,60 m x 1,60 m, hauteur limitée à 2,75 m), dans le respect d’un thème imposé : LA PYRAMIDE DES SAVEURS (pour le XXI ème concours)
Le Métier d’affineur

On peut de façon générique définir l’affinage comme le fait de porter un fromage à son optimum de dégustation en termes de présentation, de rhéologie (structure de la pâte), de parfum et de goût. Mais attention, on ne pourra jamais obtenir un fromage d’exception à partir d’un produit de base médiocre. L’affineur n’est pas un magicien. L’affinage est conduit dans des pièces aux caractéristiques bien définies et constantes de température, d’hygrométrie et d’équilibres gazeux : c’est ce qui qualifie l’ambiance d’une cave ou d’un hâloir.

Suivant les familles de fromages (la classification la plus répandue en reconnaît sept différentes), l’affinage peut durer de quelques jours à plusieurs années : c’est le cas de fromages de garde aux formes imposantes de type « Comté » ou « Parmigiano Reggiano ». Enfin, durant l’affinage le produit subira des soins adaptés en fonction de la famille de fromage à laquelle il appartient : retournements, brossage, ventilation, frottage à sec, lavage, enrobage, etc.

En fonction du thème imposé, imaginez une œuvre artistique proposant une classification intéressante tout en respectant les cotes, soit : 160 x 160 cm de base pour une hauteur maximale de 275 cm, l’œuvre posée sur une table nappée de 80 cm devant être facilement démontable et transportable. Le nombre de fromages présentés n’est pas limité mais toutes les AOC fromagères doivent être présentées.

CHEMINEMENT

Le sujet étant vaste et ambitieux, nous nous sommes efforcés d’emblée de l’appréhender de différents points de vue, de telle sorte que l’œuvre finale proposée en soit la synthèse. Dans un premier temps, nous avons essayé de dissocier les deux sujets du thème ; nous avons donc envisagé d’une part de réagir sur chacun des deux mots « Pyramide » et « Saveurs », puis nous avons traité le sujet dans son intégralité et dans sa globalité, ce qui nous a amené naturellement vers un classement graduel de l’intensité des saveurs des produits proposés au jury. Nous soumettons au jury les principales étapes de raisonnement qui nous ont conduites vers les choix finaux.

ANALYSE DU THEME

Concernant la notion de « Pyramide »

Nous avons été amenés à raisonner et à envisager ce terme générique sous différents aspects, à savoir par ordre d’importance :

  • les Pyramides d’Egypte
  • les Pyramides aztèques
  • la Pyramide du Louvre
  • la géométrie

Nous avons concrétisé chacun de ces items de la façon suivante : La forme du support reprend la forme de base des Pyramides aztèques, à savoir plusieurs étages forment l’édifice, dont le sommet comporte une plate-forme. A l’instar des pyramides égyptiennes, l’intérieur du support n’est pas inerte et sans fonction : il est un peu le cœur et les entrailles de l’œuvre. De même l’apparence du support, de par sa surface, rappelle celle des pyramides édifiées en pierre. La géométrie est d’elle-même sous-entendue dans la reproduction en fromage d’un jeu d’échec. La structure en partie « vitrée » du support est un peu un clin d’œil à l’édifice parisien du Louvre. Elle laisse apparaître du vieux matériel de fromagerie reprenant les différents matériaux utilisés au fils du temps : poterie, bois, fer blanc, aluminium, inox, plastique Plusieurs fromages sont rangés sous forme de pyramide ou « empilés ». Les quatre saveurs de base servant à définir toutes les autres, sont symbolisées sous forme de pyramide aux quatre coins de l’édifice principal. Des objets « symboliques » sont reproduits et découpés dans des lamelles de fromage.

Concernant la notion de « Saveur »

Il nous apparaît dans un premier temps impossible d’établir une classification fromagère valable à partir des seules saveurs de base qui sont, rappelons-le : l’acide, l’amer, le sucré, et le salé. En effet, ces saveurs élémentaires ne constituent, dans le meilleur des cas et pour un fromage donné, qu’une de ses nombreuses caractéristiques gustatives. Par contre, elles peuvent rapidement s’analyser en termes de défaut pour peu que leur intensité dépasse les quantités acceptables.

Nous donnerons comme exemple pour étayer notre propos le cas de l’Abondance : autant une pointe d’amertume apporte une typicité parfois recherchée ; autant un excès devient un défaut pénalisant. La qualité organoleptique d’un fromage résulte bien donc dans l’équilibre des saveurs auquel viennent s’ajouter les notions d’aromes, de parfums et de senteurs. Les quatre saveurs de base se retrouvent symbolisées aux quatre coins de la table sous forme de petites pyramides remplies d’aliments semblant les caractériser le plus, à savoir :

  • le sel gros (saveur salée)
  • le sucre cristal (saveur sucrée)
  • le citron (saveur acide)
  • le café (saveur amère)

Analyse concernant la notion de « Pyramide des saveurs »

De par sa structure basique, la pyramide nous inspirait un classement graduel des saveurs, qui plus est de façon croissante. A l’instar de la « pyramide des âges » qui propose un classement des tranches d’âge de la population (des plus jeunes à la base, aux plus vieilles au sommet), notre pyramide se propose de classer les intensités de saveurs des fromages (des plus douces à la base, aux plus corsées au sommet). Malheureusement la structure imposée de pyramide nous interdisant un classement linéaire des produits nous avons donc opté pour un classement à étage des fromages sous forme d’intensité de saveurs, en organisant une classification en quatre niveaux, chacun d’entre eux étant caractérisé et défini par un seuil et un plafond de la façon suivante :

  • saveur 1 : saveur fraîche à saveur douce
  • saveur 2 : saveur peu prononcée à saveur franche
  • saveur 3 : saveur prononcée à saveur très prononcée
  • saveur 4 : saveur corsée à saveur piquante
ANALYSE DES CHOIX

Choix des fromages

Il résulte du choix imposé par le sujet proprement dit d’une part (réunir l’ensemble des fromages A.O.C.), et par un choix libre dicté par des préoccupations personnelles d’autre part, à savoir présenter une liste finale de produits équilibrée : dans les sept familles reconnues de fromages (pâtes fraîches, pâtes molles à croûte lavée, pâtes molles à croûte fleurie, pâtes molles à croûte naturelle, pâtes pressées non cuites, pâtes pressées cuites, pâtes persillées) ; dans les formes (ce qui tend à reprendre le thème de la géométrie), mais aussi, dans les couleurs, les saveurs, l’origine bovine, caprine ou ovine du lait de fabrication, ainsi que d’un point de vue de la répartition géographique… sachant que l’analyse de la liste des fromages A.O.C laisse apparaître beaucoup de déséquilibres dans chacune des rubriques précédemment citées. Nous déciderons donc de présenter 120 fromages différents.

Choix de la structure

La structure devait être capable de répondre aux exigences qu’imposaient conjointement le choix des produits et le respect du thème. Elle a été conçue de façon à répondre aux normes alimentaires, à savoir que les produits présentés ne devaient pas se trouver en contact direct avec des matériaux non-alimentaires. De plus nous souhaitions que cette structure ne réponde pas uniquement à une épreuve spécifique mais qu’elle puisse assez facilement être réutilisée. Elle permet en autre, grâce à sa structure vitrée, de mettre en valeur du vieux matériel de laiterie, patrimoine du métier, ainsi que des éléments naturels nous rappelant indéniablement le rôle primordial de la nature sur notre profession, ainsi que des éléments directement en adéquation avec les thèmes dégagés à partir du mot « pyramide ».

Les étages pleins autorisent le camouflage de l’appareillage électrique permettant de mettre en lumière et en mouvement l’ensemble de l’œuvre. La base de cette structure a été édifiée en matériaux agglomérés facilement modulables, puis recouverte d’une résine alimentaire afin de lui donner l’aspect « pierre » des pyramides égyptiennes. L’idée de pyramide à été recréée par la superposition de caissons les uns sur les autres, dont la taille dégressive d’étage en étage laisse apparaître sur l’extérieur des marches propices à la présentation de fromages. Facile quant à son montage, son transport, et à son démontage ce « présentoir » pouvant supporter de lourdes charges, a finalement retenu notre attention. Les dimensions de la structure ont été suggérées par la hauteur du dernier niveau de présentation de fromages qui ne devait en aucun cas dépasser la hauteur d’un mètre cinquante depuis le niveau du sol, afin d’être visible par un individu de taille moyenne.

Choix de la décoration

La structure « vitrée » autorise l’utilisation de matériaux naturels, jamais en contact avec les denrées alimentaires. Toutes les parties transparentes « vitrées » ont été réalisées en Plexiglas matériau alimentaire de synthèse excluant tout risque d’éclats en cas de bris. Parmi les éléments de décoration alimentaire on retrouve bien évidemment le pain et le vin, qui forment avec les fromages une triade parfaite de tradition (les mêmes fermentations sont à la base de toutes ces fabrications), mais également des fruits pour nous rappeler que jadis les fromages étaient considérés et élevés au rang de desserts. Enfin le beurre, sculpté en rose, est présent afin de permettre à ceux qui le souhaitent de l’adjoindre aux fromages les plus corsés.

À l’origine, les pyramides symbolisaient l’escalier facilitant l’ascension du pharaon défunt vers le dieu, cet édifice représentant l’élément principal du complexe funéraire pharaonique. Nous nous contenterons de conclure ce dossier, avec votre permission, sous forme humoristique et avec beaucoup d’optimisme car nous ne souhaitons nullement la mort des fromages, encore moins celle de ceux au lait cru, thème brûlant d’actualité ; nous nous proposons donc de baptiser notre présentation : « LA PYRAMIDE DE L’ESPOIR DES FROMAGES AU LAIT CRU. »

christian-janier-pyramide

Téléphone : 04 78 38 01 12

Adresse : Ets Janier – 27, rue Seguin – 69002 Lyon

Email : c.janier@janier.fr

Site web : janier.fr

Partager ce contenu